Chronique : Vents d’Est – Ballade pour une mer qui chante – Vol. 1

Par Baltazar Montanaro

Vents d’Est – Ballade pour une mer qui chante – Volume 1

Cimo & To – 1996

Ce disque est un moment capté sur scène, un hommage à la fraternité/sororité qui transparait dans la musique. Autours de compositions de Miquèu Montanaro, des artistes venus des quatre coins du monde ont conversé durant ces concerts, avec leurs cultures, leurs différences et leurs points communs.

La manière de composer ces musiques permet à chaque artiste de s’approprier le thème, de pouvoir l’ornementer à sa manière, y poser un poème, une chanson et d’y faire résonner toute la complexité de sa propre tradition. Ainsi malgré la diversité des modes, des sons et des cultures, du trad kurde au free jazz américain, du chant soufi au flamenco, le fil conducteur est commun et le flot musical est sans cesse cohérent.

Toute la musique de « Vents d’Est » est construite autours des voix d’artistes tels que Pedro Alledo, Dihya Zniber, Néna Vénétsanou, Gülseren Yildirim, Lo Corou de Berra, Georges Moustaki , Arthur H et tant d’autres qui ont partagé l’aventure collective. On retrouve dans cette musique une véritable quête de l’Humain.

Cet album est, dans le paysage musical européen, une sorte de référence des possibles. Là où les puissants ont mis des rideaux de fer, des interdits, là où ils ont séparé les peuples par des frontières dont ils n’avaient ni besoin ni envie, cette musique a résonné et résonne toujours dans le cœur des gens, comme un appel à la liberté, à l’amour débarrassé de toutes les mièvreries qu’on pourrait lui coller, comme un cri face aux intolérances.

L’idée que la haine n’est pas une fatalité et que toutes les traditions ont un socle commun sur lequel sont bâties leurs spécificités, fait de ce disque un manifeste en faveur du dialogue, une sorte d’hymne international de tous les peuples. En Hongrie le travail de Miquèu Montanaro et de « Vents d’Est » est enseigné à l’Académie nationale de musique, comme étant un pierre marquante de l’histoire de la musique hongroise.

Ce disque est le premier d’une série de trois albums. Il est suivi de Ballade pour une mer qui chante – volume 2 et  Ballade pour une mer qui chante – volume 3 qui regroupent des enregistrements de concerts donnés dans toute l’Europe. On retrouve les éléments qui font les grands disques en « live », le temps suspendu, la tension, la réponse du public, les imprévus, les accidents parfois, mais toujours une présence sans fards. Ces albums et les concerts donnés notamment dans les années quatre-vingt-dix ont marqué les esprits, proposant une musique résolument contemporaine mêlant les traditions les plus diverses et la notion d’instant présent.

Le groupe « Vents d’Est » est toujours actif et se produit encore lorsqu’il est invité, continuant à tisser des liens, des ponts au dessus de la mer, tendre des mains et écouter « l’étranger » pour mieux l’accueillir.

Aujourd’hui ce disque est toujours d’actualité. Il est aussi une nécessaire piqûre de rappel.

Baltazar Montanaro

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Pour une anthologie discographique du trad’/folk !

Au Nouveau Pavillon nous souhaitons mettre un coup de projecteur sur l’incroyable richesse discographique de la jeune histoire du revivalisme trad/folk de France. On a tous lu dans les médias de la presse culturelle dominante des articles sur « Les 100 meilleurs albums du rock anglais », des sélections des « 50 disques essentiels de l’histoire du jazz ». Du côté des musiques traditionnelles de création, nada. Il est temps de remédier à cela !

Notre projet éditorial tente de mettre en lumière une sélection d’une cinquantaine d’albums qui ont artistiquement marqué l’histoire du revivalisme des musiques traditionnelles en France métropolitaine depuis l’après-guerre et en particulier depuis les années soixante-dix. Des disques qui ont à la fois fait avancer les choses par leur audace artistique, mais aussi influencé les générations d’artistes qui ont suivi. Aucun critère commercial ou de succès public n’a été retenu. Ainsi un album « confidentiel » peut être mis à l’honneur tandis qu’un album vendu à des milliers d’exemplaires peut être quant à lui volontairement mis de côté.

Pour nous aider à opérer cette sélection – qui est encore en cours de rédaction – nous faisons appel à des musicien.nes professionnel.le.s des musiques traditionnelles. Puis nous demandons à certaines d’entre elles et certains d’entre eux de chroniquer l’album, de faire partager leur passion pour ce disque. C’est cette dimension horizontale « échange de savoirs » qui fait l’originalité de cette publication.

La série d’articles est publiée sur internet mais elle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une publication écrite ultérieure dans quelques années. Vous allez pendant les mois à venir la découvrir au fil des publications bi-mensuelles sur notre site internet. Mais ici point de classement, juste l’envie de vous faire partager de la belle musique.

Bonne lecture ! Et bonne écoute !