Chronique : Grand Mère Funibus Folk

Par Marc Anthony

Grand Mère Funibus Folk
Barclay – 1974

Se replonger quarante cinq ans en arrière lorsque sort ce disque… À cette époque, cela faisait déjà quelques années que des répertoires venant de Louisiane avaient fait basculer pas mal d’amateurs pratiquant le folk américain vers un répertoire francophone (Québec, Louisiane), les amenant même parfois à s’intéresser au répertoire français de France ! Dans les folk-clubs et festivals tout cela se mélangeait tout naturellement sans que personne n’y trouve rien à redire. Le groupe Grand-Mère Funibus Folk illustre parfaitement cet enthousiasme du partage caractéristique des années soixante-dix. Leur unique disque paru en 1974 chez Barclay a marqué toute une génération. Ils ont défriché les voies que beaucoup empruntèrent par la suite, comme en témoigne Nicolas Cayla dans l’Escargot-Folk : « Les musiciens du GMFF ont su créer un véritable mouvement social autour de la musique folk. Ils sont parvenus à réconcilier deux cultures : celle des hippies qui, a priori, considéraient le folk comme un mouvement réac, et celle des folkloristes. »

Grand Mère Funibus Folk est composé de Ben (chant, violon, guitare, dulcimer, tambourin, grelots), Christian Gour’han (chant, violon, vielle à roue, guitare, mandoline, guimbarde), Croqui (guitare, triangle, cuillères, derbouka, tambour iranien, métallophone) et Michel Hindenoch (chant, violon, guitare, banjo, guimbarde, cuillères). Leur disque éponyme est plein de chaleur, de générosité, mélange réussi de multiples timbres acoustiques accompagnant subtilement les différents titres. Orchestration sobre et efficace, utilisation astucieuse des sonorités spécifiques de chaque instrument, percussions originales et variées… Grand Mère Funibus Folk prend le temps d’installer les climats sonores, de faire sonner les instruments et les bourdons, de chercher les frottements ! Le voyage est plaisant avec une belle alternance entre instrumentaux et pièces chantées en français ou en anglais. Le répertoire passe du traditionnel français au cajun – ah ! le two step à la vielle ! et le tube Travailler c’est trop dur qu’ils ont fait découvrir -, en passant par le blues (magnifique Baby please don’t go), l’old time, l’irlandais, et autres compositions. L’improvisation est aussi bien présente, chose rare pour l’époque ! Le tout sans se prendre au sérieux ! Les voix chaleureuses et légèrement nasillardes ont fait école dans la plupart des groupes qui ont suivi, avec des imitations plus ou moins réussies… Simplicité, générosité et goût prononcé pour la musique modale acoustique font de ce disque un jalon majeur dans l’histoire du revival folk français.

La personnalité centrale de GMFF demeure le charismatique Jacques Benhaïm, dit Ben, à la fois leader musical, et « penseur » du début des années 70, qui a joué un rôle essentiel dans le développement du folk français. Co-fondateur du Folk Club le « Bourdon », Ben a eu une influence déterminante sur nombre de musiciens, comme par exemple Gabriel Yacoub. On peut d’ailleurs déceler dans ce disque la matrice de ce qui deviendra « Malicorne », ce qui s’explique en partie par le fait que le producteur est Hugues de Courson. Comme dit Dominique Maroutian, acteur important et incontournable du mouvement folk Français : « Grand Mère Funibus Folk est une synthèse réussie et très représentative du « Folk à la française ! » À l’écoute aujourd’hui on ressent un sentiment d’intemporalité au regard de certaines productions actuelles. Même le visuel de la pochette est étonnamment contemporain !

 

Marc Anthony

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Pour une anthologie discographique du trad’/folk !

Au Nouveau Pavillon nous souhaitons mettre un coup de projecteur sur l’incroyable richesse discographique de la jeune histoire du revivalisme trad/folk de France. On a tous lu dans les médias de la presse culturelle dominante des articles sur « Les 100 meilleurs albums du rock anglais », des sélections des « 50 disques essentiels de l’histoire du jazz ». Du côté des musiques traditionnelles de création, nada. Il est temps de remédier à cela !

Notre projet éditorial tente de mettre en lumière une sélection d’une cinquantaine d’albums qui ont artistiquement marqué l’histoire du revivalisme des musiques traditionnelles en France métropolitaine depuis l’après-guerre et en particulier depuis les années soixante-dix. Des disques qui ont à la fois fait avancer les choses par leur audace artistique, mais aussi influencé les générations d’artistes qui ont suivi. Aucun critère commercial ou de succès public n’a été retenu. Ainsi un album « confidentiel » peut être mis à l’honneur tandis qu’un album vendu à des milliers d’exemplaires peut être quant à lui volontairement mis de côté.

Pour nous aider à opérer cette sélection – qui est encore en cours de rédaction – nous faisons appel à des musicien.nes professionnel.le.s des musiques traditionnelles. Puis nous demandons à certaines d’entre elles et certains d’entre eux de chroniquer l’album, de faire partager leur passion pour ce disque. C’est cette dimension horizontale « échange de savoirs » qui fait l’originalité de cette publication.

La série d’articles est publiée sur internet mais elle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une publication écrite ultérieure dans quelques années. Vous allez pendant les mois à venir la découvrir au fil des publications bi-mensuelles sur notre site internet. Mais ici point de classement, juste l’envie de vous faire partager de la belle musique.

Bonne lecture ! Et bonne écoute !